Le Gaijin complexe est un fait de société que l’on peut observer au Japon et qui traduit la sensation qu’éprouve une majorité de japonais lorsqu’ils sont confrontés aux étrangers. Je vous propose donc d’essayer d’analyser ce complexe au travers de cet article.
Aujourd’hui, je veux aborder le sujet du Gaijin Complexe auquel tous les étrangers, se rendant au Japon, seront inévitablement confrontés. Pour ce faire, je me suis basé sur des lectures sérieuses et reconnues et notamment l’ouvrage « Working for A Japanese Company – Insights into the Multicultural Workplace » de Robert M. March
Je n’ai pas là la prétention à me faire passer pour un expert en la matière, mais je veux partager avec vous ce que je connais sur le sujet, ce que je vis au quotidien et ce que certaines personnes peuvent ressentir.
Le Gaijin Complexe c’est quoi ?
Robert M. March définit le Gaijin Complexe, dans son ouvrage, comme étant un sentiment d’inconfort et d’embarras qu’un japonais peut ressentir lorsqu’il est confronté à un étranger. Ce terme de Gaijin Complexe a commencé à être utilisé au Japon à la suite de la 2nde guerre mondiale et de l’arrivée des américains sur les terres nippones.
Le Gaijin Complexe expliqué par l’histoire
Comme vous pouvez le lire dans mon article intitulé Chronologie de l’Histoire du Japon et des Japonais, durant la période appelée Edo, dès 1639, le Japon a décidé de fermer totalement ses portes aux étrangers (enfin presque totalement). Cette fermeture à durée jusqu’en 1853 et l’arrivée du Commodore Perry, qui a forcé le Japon à ouvrir ses portes avec l’extérieur.
Suite à cela, le Japon à accueilli ses premiers étrangers mais en quantité très limitée. Puis s’en est suivi la 2nde guerre mondiale et la défaite Nippone (avec le bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki). En Septembre 1945, le Japon a connu une forme d’invasion imposante d’américains victorieux. Le pays n’avait jamais connu cela auparavant. Jamais autant d’étrangers n’étaient entré sur ce territoire.
Je vous laisse donc imaginer le choc culturel que cela a pu générer. Certains me diront « mais cela date d’il y à 67 ans » et je répondrais tout simplement les deux chosese suivantes :
- Il faut du temps pour qu’une civilisation ou un peuple assimile un nouveau mode de pensée.
- Beaucoup de japonais de cette époque sont encore vivant (le Japon est le pays au monde avec la meilleure espérance de vie).
Le Gaijin Complexe : l’expérience de Robert M. March
J’ai commencé dernièrement à lire le livre « Working for A Japanese Company – Insights into the Multicultural Workplace » de Robert M. March, et je peux vous dire que son contenu m’a tout de suite marqué de part son professionnalisme et sa richesse.
Il y à un passage qui est resté dans mon esprit et c’est l’expérience qu’il a réalisé afin de mesurer les relations entre japonais et étrangers. Pour ce faire, il à questionné des japonais et japonaises sur leurs ressentis lorsqu’ils rencontraient des étrangers (Gaijin) du même sexe et de sexe opposé. Voici donc ses résultats :
- Un japonais avec un étranger
Le ressenti est négatif puisque les japonais ressentent du stress, de la peur, une envie de s’enfuir ou encore un complexe par rapport à leur corps, lorsqu’ils rencontrent des étrangers mâles.
- Un japonais avec une étrangère
Les ressentis sont ici ambivalent. Certains vont se sentir sexuellement excités, attirés, et aussi ressentir de l’envie et du désir. D’autres ressentiront de la peur, du stress, de la nervosité et un désir de fuite lorsqu’ils rencontreront une étrangère.
- Une japonaise avec un étranger
Pareil ici, puisque nous aurons de l’ambivalence. Certaines japonaises pensent que les étrangers sont beaux, grands, gentils et galants. D’ailleurs certaines d’entre elles, de manière sous-jacente, voient les étrangers comme de mignon « animaux de compagnies » qu’elles aiment à montrer à leurs amies et qu’elles apprécient à utiliser pour les servir. Cela est dû au fait que ces femmes japonaises voient les étrangers comme l’opposé des japonais qui veulent simplement être servi par les japonaises.
Pour les perceptions négatives, ils s’agit là de nervosité, stress, peur et une volonté de fuite.
- Une japonaise avec une étrangère
Encore une fois, il y à une certaine ambivalence ici. Certaines japonaises se sentiront en position de stress, avec de la peur et de la nervosité, mais aucune d’entre elles ne voudraient s’échapper.
De manière positive, il y à un sentiment présent qui fait qu’elles pensent qu’elles peuvent être amies et partager une relation de bonne qualité même si il y aurait une admiration de la part de la japonaise subjuguée par la beauté de l’étrangère.
Je me doute que ces résultats peuvent faire réagir, mais ils sont là pour démontrer une situation qui a existé, et qui existe encore aujourd’hui, même si les choses tendent à évoluer petit à petit.
Le Gaijin Complexe : est-ce du racisme ?
Une récente étude de la “J-CAST Company Watch” a donné des résultats qui ont fait réagir plusieurs personnes sur le web. Voici donc un extrait significatif de ces derniers :
- 48,5% des japonais seraient complètement fermés à l’immigration au sein de leur pays
- 19,3% ne veulent pas vraiment des étrangers au Japon
- 16,8% seraient d’accord seulement si cela était inévitable
- 14,4% sont d’accord pour laisser les immigrer entrer au Japon
Alors oui, lorsque l’on voit ces chiffres, on peut se dire que beaucoup de Japonais sont opposés à l’immigration. Mais si on les prend dans un autre sens on peut constater que 14,4% sont ouvert à l’arrivée d’étrangers sur le territoire Nippon. Cela veut dire que 18 Millions de Japonais y sont favorables (et oui il ne faut pas oublier qu’ils sont près de 130 Millions d’habitants).

Ajoutez donc à cela ceux qui pourraient être ouvert à l’immigration et vous verrez donc que vous aurez plusieurs dizaines de millions de personnes qui y sont favorables. Si je dis cela, c’est parce que j’entends souvent dire que les japonais sont arrogant voir racistes. L’arrogance peut-être ressentis et est même ressentis par beaucoup d’étrangers. Mais en ce qui concerne le racisme, lui est beaucoup plus minoritaire et moins imposant. A part les groupes extrémistes, vous ne verrez aucune action de revendications racistes au Japon.
Il est aussi bon de noter que Monsieur Shintaro Ishihara, connu pour être un opposant farouche aux étrangers, voir même un raciste et un arrogant, est le préfet de la mégalopole de Tokyo. Cela tend tout de même à démontrer certains de ces chiffres. Je pense, et cela n’engage que moi, que ces chiffres s’expliquent essentiellement par l’Histoire du pays, une certaine incompréhension entre les japonais et les Gaijin et surtout une grande différence culturelle (le Japon est un pays où tout est extrêmement codifié et les Gaijin ne connaissent généralement rien de ces normes).
Le Gaijin Complexe : mon expérience personnelle
Comme tout Gaijin au Japon, j’ai vécu et je vis et je vivrais des situations de Gaijin Complexe, et ce de manière quotidienne. L’une des plus connues est la situation du train. Je m’explique. Vous êtes un ou une Gaijin, vous êtes assis dans un train bondé mais il reste une place vide à côté de vous et les personnes debout en face de vous ne veulent pas si asseoir, pas jusqu’à ce qu’une autre place se libère. Cela démontre une certaine crainte, un certain stress que peut générer la présence d’un étranger pour certains japonais.
Des situations de ce genre, il en existe des dizaines et j’en ai vécu des dizaines, comme celles des petits enfants, qui lorsqu’ils m’aperçoivent deviennent soit curieux soit apeurés (non, non je vous rassure, je ne m’amuse pas à leur faire peur).
Pour en avoir discuté avec de nombreux étrangers, de nationalités différentes, et pour l’avoir lu à plusieurs reprises, je sais que ces situations sont assez courantes. Après il ne faut pas non plus mal les interpréter ou les prendre. Il faut apprendre à vivre avec. Il faudra du temps avant que tout cela ne change.
Je vais clore cet article en vous disant que l’idéal ne serait pas de juger cette situation mais plutôt d’essayer de la comprendre. Je ne pense pas que cela soit une chose aisée à réaliser mais rien ne nous empêche d’essayer. Enfin, nous pouvons chacun apporter notre pierre à l’édifice du changement culturel qui se met en place au Japon en apprenant à respecter les manières, les habitudes et les us et coutumes locales plutôt que d’essayer d’imposer les nôtres, chose plus facile à dire qu’à faire.
Et vous, que pensez-vous de tout cela ? Comment le vivez-vous ou comment le vivriez-vous ?
