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Franponais : l’art de parler français par les japonais

Les japonais aiment la France, enfin certains d’entre eux, au point de vouloir utiliser le français à toutes les sauces. Ce qui a donné naissance au franponais, un français d’un autre genre. Découverte.

Ah les japonais, dès que vous leur dites « France » ils ont les yeux qui s’illuminent. Ok pas tous, mais une bonne partie tout de même, surtout les femmes. A tel point que toutes les images de la France sont bonnes à utiliser au pays du soleil levant, même dans le domaine du business.

Il y a de cela quelques mois, je lisais une interview d’une japonaise spécialiste en marketing, et notamment spécialiste en produits de « France » (j’ai oublié son nom, mais si je le retrouve je mettrais à jour, promis). Dans cette interview, elle disait que c’était presque très simple de vendre des produits à l’image française au japonais : mettez la Tour Eiffel et une phrase en français et c’est bingo.

Pour la Tour Eiffel, il n’y a aucun problème, mais pour ce qui est des phrases en français, c’est pas toujours ça.

Le franponais : mais c’est quoi ça ?

Qu’est-ce qui se cache derrière ce grand et beau mot : franponais ? Tout simplement la contraction des mots « français » et « japonais » qui signifie que c’est la langue française à la sauce japonaise. En clair, les japonais utilisent souvent un français japonisé, qui parfois perd de son sens et va nous faire sourire, rire ou plus pour certains.

Mais pourquoi utilisent-ils un français japonisé et n’essayent-ils pas d’utiliser le bon français ? Je m’étais souvent posé cette question depuis mon arrivée au Japon en Mai 2011. Et puis, petit-à-petit j’ai commencé à obtenir des éléments de réponses.

Le pourquoi du comment du franponais

Tout d’abord, comme je le dis plus haut, l’usage de la langue française est bien vu au Japon. Si vous ouvrez un business ou vous voulez vendre un produit, et que vous y mettez le drapeau de la France ou la Tour Eiffel, quelques mots de français auront un effet décuplant sur vos ventes. Donc jusque là tout va bien.

Ensuite, les japonais ne maitrisent pas, ou très peu les langues étrangères. Et c’est là que le bas blesse. La langue française est complexe et dure à assimiler pour les japonais. C’est pourquoi peu d’entre eux la pratique. Alors pour les entreprises c’est quasiment impossible d’avoir un employé qui parle français, un tant soit peu. C’est pourquoi elles vont souvent utiliser le merveilleux outil qu’est Internet et les pseudos logiciels de traduction en ligne (pour ne pas citer Google Translator). J’en ai eu l’illustration parfaite lorsque je donnais des cours de français conversationnel à une de mes étudiantes japonaises. Elle travaillait pour une grande maison d’édition japonaise et était chargé de la rédaction de manuels d’anglais destinés aux lycéens. Le seul problème est qu’elle ne parlait pas un mot d’anglais. Cherchez donc l’erreur. Et elle m’a confirmée que sa société utilisait beaucoup Google Translator.

Ajoutez à cela que les japonais ne comprennent pas souvent (non, excusez-moi, pas du tout) le second degré et je vous laisse imaginer les situations cocasses que cela peut engendrer dans le domaine de la traduction. Et en plus de ce deuxième sens, il y a aussi le facteur culturel. Dans chaque langue et dans chaque pays, il y a des expressions qui sont basées sur la culture et l’Histoire, que les étrangers ne peuvent pas assimiler facilement. Par exemple, si vous dites à un japonais « je t’attendrais au tournant », il comprendra le sens propre de la phrase mais ne verra jamais la possibilité d’un sens figuré.

Et puis, tant qu’on y est, parce que je vous vois venir et vous allez me dire « mais pourquoi ils ne recrutent pas des étrangers pour faire les traductions ? ». Il y a des entreprises qui le font, mais il y en a qui ne le font pas par fierté. C’est souvent le cas dans la culture nipponne de refuser d’appeler les étrangers à l’aide, pour quoi que ce soit, par peur de se sentir rabaissé dans leur estime personnelle.

Enfin, le pompon sur la Garonne, la cerise sur le gâteau et tout le tralala … Très (trop) souvent, quand ils commettent des erreurs ils ne vont pas les changer, parce que c’est fait et que c’est trop tard. Il suffit de prendre, presque, n’importe quel livre de langue étrangère écrit par un japonais pour y constater des erreurs. Si vous leur faites remarquer, même si une nouvelle édition du livre sortait, il y a très peu de chance que l’erreur soit corrigée. Allez savoir pourquoi. C’est mon étudiant en français qui m’expliquait que c’était le cas dans sa maison d’édition, mais aussi dans beaucoup d’autres. Et c’est certainement ce qui explique le fait que beaucoup de restaurants « français » ou de produits « français » au Japon contiennent des erreurs mais qu’elles ne sont jamais changées.

Voici donc pour les quelques facteurs qui peuvent expliquer le pourquoi du comment du franponais (et il y en a certainement d’autres).

Le franponais en catégories

Allez pour le fun, je vais partager avec vous quelques perles que j’ai trouvées, ou que des amis à moi on trouvées. Et je vais essayer de créer des catégories pour voir à quel « genre de franponais » on est confronté :

La toute petite erreur : celle qui est la moins dommageable en soit et qui n’est pas du franponais à proprement parler. Mais elle peut être sympa par moment.

Et le sens figuré ? clairement là, la personne ne sait pas qu’il peut y avoir un sens figuré à l’expression qu’il va utiliser. Très souvent elle sera grammaticalement juste, mais le contexte pourra donner lieu à des interprétations originales. Je vous laisse voir la photo « La chatte » ou encore celle de la boulangerie que j’ai vu lors de mon Osaka Safari.

Et le sens changea : en traduisant la personne va inverser la position des mots ce qui va complètement changer le sens de l’expression. Le meilleur exemple est celui de ce gâteau. En japonais, il est écrit « cheese cake salé ». Et après qu’un japonais soit passé par là, c’est devenu « salez le cheesecake »… Sauf qu’il est déjà salé non ???

Trop de bonne volonté : la personne a appris le français, mais clairement ne le maitrise pas encore. Il veut quand même l’utiliser. Il n’est pas à blâmer, mais parfois ça peut donner des messages incompréhensibles comme à l’entrée de ce restaurant.

Le mauvais choix de vocabulaire : la langue française est riche en vocabulaire et si vous faites mal la traduction, vous pouvez facilement arriver à des expressions vides de sens. C’est certainement ce qu’à fait cette grande enseigne de café japonaise qui a écrit : « Café d’or : café express frais rôtirent ». Non, ce café ne vend pas de viande rôtie. Et je présume qu’ils voulaient écrire : « café express : fraîchement torréfié ». Peut-être qu’ils sont passé du japonais à l’anglais puis au français.

Un peu de poésie : des petites phrases qui semblent poétiques, proverbiales ou je ne sais quoi encore, mais qui ont toujours un petit truc qui font qu’elles ne sont pas parfaite et qu’elles deviennent du franponais. Comme sur ce t-shirt (en plus avec le drapeau de la France, la tour Eiffel et l’arc de triomphe c’est jackpot)

Beaucoup (trop) de poésie : là ils y vont fort, très fort. C’est à se demander si ce n’est pas du Jean de la Fontaine, drogué et en plein délire, parce que les phrases s’enchaînent sans avoir aucun sens réel. Une combinaison de mots mais disposés de manières « poétiques », du moins pour que ça sonne comme ça. Regardez sur ce sac et vous verrez bien :

Le grand n’importe quoi : là, il n’y a rien à redire, si ce n’est que c’est impossible que Google translator sorte de telles choses. C’est mythique, c’est collector, c’est du domaine du mémorable et cela devrait clairement finir dans un musée. Celui qui arrive à me trouver la signification de ce texte mis en avant de devanture d’une boulangerie, je lui dis chapeau :

Pour ceux d’entre vous qui voudraient pousser la rigolade un peu plus loin, il existe une série de livres sur le franponais qui recenssent quelques belles perles et qui sont disponible sur Amazon.fr (en plus pour pas trop cher) par ici:

Voilà, voilà pour le franponais… Du moins pour le moment. J’essaierais de mettre cette page à jour à chaque fois que je trouverais des « perles ». Et vous, vous en avez déjà vu des « franponais » ? Lesquels ? Partagez, faites nous sourire, rire ou même plus encore ^_^